Afin de discipliner les passions, Rousseau crée aussi tout un
système de contraintes. On verra que chez Sade le but sera inverse. Il faut
“briser les fers” se débarrasser de tous les préjugés par exemple l´amour filial.
Le genevois ajoute encore: “... ce qui
rend l´homme essentiellement bon est d´ avoir peu de besoins.”
La théorie développée dans l´Emile s´approche de l´Ethique
d´ Épicure dans la
mesure où celle-ci nous enseigne à se suffire à soi-même, à n´avoir que des
désirs “naturels et nécessaires” pour mener une vie heureuse.
Comme le philosophe grec, Rousseau croit qu´on atteint
le bonheur à condition de vivre en
accord avec la nature et de préserver cet état en empêchant le déreglement de
l´amour propre, de l´égoísme, des ambitions et des envies.
Cette position va de pair
avec la vision de Diderot exprimée par le vieillard thahitien quand il
s´adresse à Bougainville: “… nous sommes
innocents, nous sommes heureux; et tu ne peux que nuire notre bonheur. Nous
suivons le pur instinct de la nature;
et tu as tenté d´effacer de nos âmes son caractère. Ici tout
est à tous: et tu nous a prêché je ne
sais quelle distinction du tien et du
mien.” Supplément au voyage de Bougainville, p. 148.
On lit dans l´Émile:
“Le vrai contentement n´est gai ni folâtre”. Là encore on s´approche du but
épicurien: l´ataraxie, c´est- à-dire, l´absence de trouble qui assure à l´homme
le bonheur. On trouvera le plaisir en menant une vie vertueuse.
Or, Sade postule, lui-aussi, le plus strict respect de la
nature. La
devise des épicuriens et des stoîciens “vivre en accord avec la nature” pouvait
même servir de sous-titre au pamphlet “Français encore un effort si vous
voulez être républicains.”
Cependant, le respect de la nature chez
le marquis de Sade implique l´abandon de toutes les chaînes, de tous les
préjugés. L´homme devra laisser livre
cours à ses impulsions de toutes sortes.
Chez Rousseau, dans l´Émile, tout le système d´éducation vise à rendre son élève incorruptible et résistant
aux désirs voluptueux. Mais tous deux défendent
une théorie qui a pour fin que l´homme atteigne le bonheur.
Nous aborderons, donc, une des questions fondamentales et
communes aux deux penseurs: l´importance qu´ils accordant à l´éducation. En
effet, ils élaborent des programmes pédagogiques. Le premier aura le souci
d´une morale de la vertu, chez le second
on a affaire à une anti-morale, à une
instruction ayant comme but le vice dans lequel
peut s´épanouir le bonheur. ( Autant qu´on puisse parler du bonheur chez
les personnages sadiens, “bonheur” souvent fondé sur le malheur fait aux
autres). (continua).