quarta-feira, 24 de dezembro de 2014

Quelle est la visée du libertinage sadien?


(suite de l´article du 6 décembre)


         Eugénie, “l´écolière”, aura comme “lycée” le boudoir où elle  recevra tour à tour des “dissertations théoriques” et des “leçons pratiques”. Ayant toujours le soin de présenter le langage particulier aux « voluptés libertines », les « instituteurs » d´Eugénie trouveront eux-mêmes une jouissance à cet acte, car l´activité pédagogique est non  seulement une activité  de séduction mais aussi  une activité  voluptueuse : «  Les premières acquisitions sont d´ordre lexical, mais, très vite, les petites élèves apprennent à articuler le ‘vocabulaire technique’ en phrases et passant à la fois au niveau syntaxique et à la  pratique. Car dès ce stade, la pédagogie libertine fait du plaisir à la fois  sa fin et son moyen » (Philippe Roger, La philosophie dans le pressoir, p. 74).    

         Il est temps maintenant de trouver un autre  point de convergence entre Rousseau et Diderot, qui les opposera à Sade. En faisant  abstraction de toutes les différences existants entre les deux, il ne serait pas faux de dire qu´ils tombent d´accord sur un point primordial : la pitié . Dans le livre IV d´Émile, il est question , entre autres choses, de la pitié, qui naît de l´identification avec l´autre.

         On exclut la polémique entamée dans le Neveu à propos du rapport entre l´homme de génie et la sensibilité, afin de mettre en lumière la voie que Diderot voulait suivre, celle de la justice. Il fait de la bonté la qualité morale suprême.

         L´article  « l´Humanité » de l´Encyclopédie (probablement signé par Diderot) nous apprend que « ... ce noble  et sublime enthousiasme se tourmente des peines des autres et du besoin de les soulager ; il voudrait parcourir l´univers pour abolir l´esclavage, la superstition, le vice et le malheur. »

         On imagine tout de suite la frappante réponse du Marquis « à quel   titre lui éviterions-nous une douleur qui ne nous coûtera jamais une larme, quand il est certain que de cette douleur va naître un très grand plaisir pour nous. La philosophie dans le boudoir , p. 128. Cette  théorie, en privilégiant les désirs individuels, trouvera  une justification dans les actions les plus monstrueuses, car elles  sont dictées par la nature : «  Commencez à partir d´un point, Eugénie, c´est que rien n´est affreux en libertinage, parce que tout ce que  le libertinage  inspire l´est également par la nature (...) Ibid., p. 107.

 

 

 

 

 

sábado, 6 de dezembro de 2014

Quelle est la visée du libertinage sadien: nature ou anti-nature?


(suite de l´article du 28 novembre)

On ne parlera pas ici des sujets qu´ils ont choisis afin d´appliquer leurs théories. Multiples sont les différences entre le jeune Émile, issu d´un milieu champêtre, choisi parmi les hommes “vulgaires” et la “belle” Eugénie, issue de la noblesse d´épée, comme d´ailleurs presque tous les personnages de “La philosophie dans le boudoir”. On iniste sur le fait que le libertinage est un “privilège” d´une couche  sociale précise. Le peuple, ou plutôt  la “population” (Ibid. p158) est négligée  dans le système sadien. Ce qui nous intéresse sera  la place primordial dont bénéficie le maître (soit le “précepteur”, soit “l´instituteur”). Selon Rousseau et Sade, quel sera donc le rôle réservé au maître? Quelle conception celui-ci a-t-il de la nature?  

         Rendre son élève heureux, pour sa vie présente et future, voilà le but ultime du précepteur d´Émile. L´auteur du “Contrat social” croit que pour y arriver une seule voie est possible, celle de la vertu.

         Il affirme que l´homme naturel, est un homme préservé des falsifications de la société. Étant né pour vivre avec ses semblables, l´homme doit connaître les limites des plaisirs. La présence d´un précepteur est donc indispensable car il saura apprendre à son élève à dompter ses impulsions. Le seul moyen d´obéir à la nature, sera de ne jamais obéir à soi-même.
Voyons maintenant comment l´auteur de “Justine” s´oppose à cette “machine anti-libertine” qu´est l « Émile ». La position extrême défendue par Rousseau trouvera dans “La philosophie dans le boudoir”  une réponse aussi radical.   
         On soulignera d´emblée que chez Sade, nous sommes loin d´une préoccupation de sociabilité. L´individu n´est pas à priori capable des sentiments sociables.
         Nous savons que le grand souci des philosophes au XVIIIème était le raport de l´homme  avec son milieu.
         Voyons par exemple Diderot, dans le “Neveu”: il argumente que l´homme en se conformant à “l´usage” (à ce qui est et non à ce qui devrait être) non seulement on y trouve son compte, mais il est  en outre utile “à ses entours”. Pour lui la morale se fonde sur l´usage. Il ne faut pas agir autrement que les autres  hommes, ni tenter de changer les moeurs, par exemple, en ne s´y conformant pas. Diderot défend même une maîtrise de soi qui conduirait à ne plus obéir aux désirs personnels, mais à être capable de s´adapter à une socièté en faisant quelques sacrifices.
         Pour Sade, le conformisme de l´homme à son milieu est rejeté. Nous sommes devant l´exaltation de l´individu. L´important est que ce dernier puisse trouver son plaisir, en suivant ou non les normes ( aussi impératives et anciennes soient-elles). Même s´il ne contribue en rien au bien-être de son prochain (ce langage chrétien est considéré, d´ailleurs, comme sophistique par le Marquis); on ne lui imputera alors aucune faute puisqu´il en est satisfait: “…et chacun n´est il pas pour soi dans le monde ?” “La philosophie dans le boudoir”, Idem, p. 128.

         Cet objectif ( le plaisir complet) ne sera possible qu´à la suite d´une iniciation d´un cours donné par des libertins philosophes.
 
(continua)